Quelque part dans certains pays du globe, les gens se bousculent pour effectuer un premier voyage dans l’espace. D’autres poussent en tous sens pour inaugurer leur TGV. Entre-temps il y en a qui manifeste une vive satisfaction d’avoir construit un central électrique de 1000 Mégawatts.
Toutefois dans le dépotoir marécageux qui entoure la ville, se trouve notre cité, Ndjamena. Cette nuit-là vers 20h, je rentre de mes promenades, notre quartier est dans le noir, on dirait la tombe d’un sorcier. Il n’y a pas d’électricité. Quelques heures passées, j’entends des cris d’enfants venant de dehors. Alors je sors pour faire le constat, c’était le courant de la maléfique société nationale de l’électricité appelé couramment la « SNE ».
Elle venait prendre de nos nouvelles. Et profiter de l’occasion pour éclairer un petit peu notre zone, après plusieurs jours passés du côté du ministre et les généraux de la place. Face à cette situation, j’ai observé avec attention cette séquence mélancolique qui anime ces enfants. Et j’ai vu la joie, vive et intense. Des jours passent et ces habitudes de chant à l’arrivée du courant s’installent. J’ai conclu tout de suite que nous avons encore du chemin à faire.
Cependant, dans la nuit du samedi à dimanche dernier, je scrollais tard sur Twitter et là cette fois-ci, il y a un tweet qui a attiré mon attention. Il s’agit celui du média en ligne Tchadinfos où dans une rubrique dénommée « Fact-checking » il fait mention que d’après ses reporteurs sur le terrain, la SNE aurait réussi à éclaire la capitale tchadienne.
Tellement choqué par ce tweet à la fois caustique et cinglant. Je n’ai pas pu me retenir et j’ai rétorqué aussitôt. Et je suis allé directement me coucher. Comme si cela ne suffisait pas, le lendemain au réveil un autre média annonce que les NDjamenois célèbrent le record de trois jours sans coupure de courant. Leur impudence m’a sidéré. Décidément, ces médias et leurs informations caduques finiront par me donner un AVC un jour.
Autant dire que nous battons souvent les records mondiaux de l’absurdité, chose à ne pas négliger. Mais cette fois je crois que nous avons atteint l’apogée. Et je peux prédire déjà la suite des événements folkloriques qui vont suivre. Que sais-je peut-être avec les marches de soutien.
Alors face à ce simulacre d’absurdité, je me donne le droit de manifester mon désaccord. Non, moi citoyen tchadien, je ne me réjouis pas de retour du courant. C’est à la fois honteux et méprisable. Et toute fois je dois avouer que j’ai été déçu par les quelques papiers de nos médias. C’est un peu kafkaïen et absurde.
Parce que l’accès à l’électricité est un droit absolu pour chaque tchadien et tchadienne. Il est les septièmes objectifs du développement durable, définis par les Nations unies. Il est inconcevable qu’un individu normal puisse applaudir le fait d’avoir de l’électricité. De surcroît jusqu’à manifester des sentiments de fiertés. Comment donnerai-je des explications à cela en 2023 ?
Vraiment, être tchadien à cette époque, c’est aussi s’apprêter à lire et écouter des déclarations pareilles. Comme quoi « être tchadien est une tâche complexe ». Méditez là-dessus.
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