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Lettre au pétrole tchadien

Bonsoir cher pétrole, tu as un nombre considérable de surnoms que j’ai de la peine même à trouver le juste. Quelque part, on te nomme aussi l’or noir, mais ça, c’est beaucoup plus dans les grands médias. Bref, je t’épargne ce débat d’une autre occasion.

Je t’écris ce soir au milieu de la nuit depuis ma chambre obscure dans la ville de Mao. Excuse-moi pour ce désagrément, ce n’est pas de mon gré. C’est la faute à la société nationale d’électricité (SNE). Car elle estime qu’à 23h00, elle doit couper le courant. Ce qui m’a laissé dans un désarroi nocturne, où la seule chose qui me reste à faire, c’est d’aller me coucher. Mais j’ai décidé de t’écrire ces quelques lignes.

À ce propos, je t’écris pour prendre des nouvelles de toi, à l’occasion de la nouvelle année 2023. Et te présenter mes meilleurs vœux pour cette année où tu fêteras tes vingt ans. Tu entres déjà dans l’âge adulte. Je sais que tu es bien portant et tu as encore des beaux jours devant toi, pendant que des milliers des Tchadiens peinent à s’en sortir au quotidien. Et jusque là, nos conditions de vie ne sont pas réunies.

Pourtant, à ta naissance en 2003 (NDLR : début de l’exportation d’une quantité de 140 000 barils journaliers), ils nous avaient juré par toutes les saintetés que ton arrivée pouvait mettre fin à notre pauvreté. Certains des hommes « forts » de l’époque avaient même prédit que la génération future vivrait dans l’opulence, et que c’en était fini de la période de l’indigence. C’était d’ailleurs leur leitmotiv.

Dès ta venue, notre pays a changé de nom, au même titre que les grandes nations productrices comme l’Arabie saoudite ou le Qatar. Entre-temps, les travailleurs dans les champs pétroliers de Doba se la racontaient dans les grands axes de la ville de N’Djamena. Pendant qu’il n’y a même pas une route bitumée qui permet de joindre la capitale et ta ville natale, Doba.

Qu’est-ce qu’on ne nous a pas dit de toi ? Ta naissance, c’était la joie et le sourire sur toutes les lèvres. Ce qui a valu beaucoup de privilèges à un groupe d’individus, mais sans réels avantages pour le Tchad. Ce n’est pas pour te flatter hein, mais je reprends juste leurs propos.

Tu incarnais les liasses d’euros et de dollars. Tes revenus ont permis à des bonshommes sans foi ni loi d’hier de devenir des multimillionnaires aujourd’hui. Avec des comptes garnis dans les paradis fiscaux.

Cet argent servait à acheter les armes lourdes et des gros cylindrés V8 à la place, très prisés dans les rues de N’Djamena. Et même à épouser des belles femmes. Ces gros calibres ont permis également de régler les comptes avec les mécontents qui sont allés en rébellion, qu’on a préféré les qualifiés de « mercenaires ».

Entre-temps, la pauvreté de son côté n’a pas cessé de graver les échelons. Et notre pays est classé dernier dans tous les indices de développement. Ce n’est pas pour autant dire que tu es une malédiction. Mais cela est la preuve vivante de la mauvaise gestion de tes revenus.

Cependant, la majeure partie des Tchadiens se partagent un quotidien rude partagé entre l’inflation galopante sur le marché, l’insécurité, l’injustice et la cherté de vie. Résultat des courses, jusqu’ici les gens meurent dans des conditions minables dans nos hôpitaux. Faute d’une bonne prise en charge. Pendant que l’élite dirigeante se soigne dans des hôpitaux les plus prestigieux d’Europe.

Bref, bienvenue dans ta vingtaine. Il y a tellement des choses à raconter que si je me mets à te décrire, on y passera plus d’un jour. En attendant, on préfère croiser les bras et attendre l’horizon 20XX afin que les choses puissent changer d’elles-mêmes au Tchad inchaallah.  

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Auteur·e

mahmoudsabir

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