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Confession d'un père engagé

Ce billet fictif est écrit en soutient à la campagne de vaccination contre la polio au Tchad, et plus précisément dans son thématique sur le rôle et l’engagement des pères dans le respect de calendrier vaccinal.

Je m’appelle Omar, jeune Tchadien issu d’une fratrie de cinq enfants, dont je suis le cadet. J’ai 30 ans, je suis marié, père de deux enfants et officier dans l’armée nationale tchadienne. Permettez-moi de vous raconter une petite histoire qui concerne mon frère d’arme et qui a marqué ma vie. Cela fait près de 15 ans que Souleymane et moi sommes amis, je dirais même qu’il est devenu mon frère.

En effet, comme moi, Souleymane est également officier dans l’armée. Il est marié à Safia, qui est aussi sa cousine. Son épouse est enceinte de leur premier fils et son ventre est bien rond, comme vous pouvez l’imaginer. Elle se bat pour se rendre à l’hôpital mère et enfant de la cité N’Djamèna afin de faire sa visite prénatale. Il est difficile d’imaginer la souffrance que cette femme endure pendant le trajet entre l’hôpital et la maison. Je me souviens l’avoir aperçue un jour près du marché central où elle avait du mal à monter dans un taxi.

Pendant ce temps, mon ami, de son côté, est très occupé. Un jour, à la sortie du camp, nous avons pris quelques instants pour discuter. J’ai profité de cette occasion pour prendre des nouvelles de son épouse. Il m’a répondu qu’elle allait bien et qu’il l’avait laissée ce matin-là pour qu’elle se rende à l’hôpital pour sa visite. Sur-le-champ, je lui ai suggéré de l’accompagner la prochaine fois dans cette démarche, car avant tout, c’est son devoir en tant que mari.

Immédiatement, il a changé d’humeur et m’a répliqué qu’il ne pouvait pas perdre son temps, alors qu’elle pouvait très bien y aller seule. Cependant, j’ai tenté de le convaincre en vain. Les jours passent et sa femme arrive à terme de sa grossesse. Pourtant, de son côté, mon ami, après le travail, se dirige vers le carrefour pour jouer aux cartes, dans le but d’échapper aux caprices et aux fantaisies de sa femme enceinte.

Le temps passe, nous sommes un vendredi après-midi, et je quitte le camp très tôt ce jour-là pour rentrer chez moi. Au parking, je croise Abdelkarim, un collègue de la même promotion. Pendant les salutations, il me demande ce qui arrive à mon ami Souleymane, car il l’a vu partir précipitamment et n’a pas eu le temps de lui parler. Est-ce qu’il a un problème à la maison, me demande à nouveau Abdelkarim. Tout à coup, je me souviens de sa conjointe enceinte. Sur place, j’ai essayé de le joindre par téléphone, mais sans succès. J’ai même essayé le numéro de téléphone de son épouse.

À ce moment-là, une voix étrange me répond au téléphone, c’est sa belle-sœur, et elle me fait savoir que sa sœur est en salle d’accouchement à l’hôpital de la mère et de l’enfant. Entre-temps, avec quelques camarades de promotion, nous avons pris la route de l’hôpital. Une fois arrivés sur place, nous avons vu Souleymane assis, inquiet, car les médecins lui ont dit que sa femme avait perdu beaucoup de sang et que l’accouchement allait être compliqué.

Des heures passent et nous voilà avec Souleymane, qui se lamente d’avoir négligé son rôle. Nous avons essayé de le réconforter du mieux que nous pouvions. Pendant l’attente, nous avons entamé une conversation sur notre rôle en tant qu’époux. C’est à ce moment-là qu’Abdelkarim nous a fait part de son secret dans sa vie de famille. Il accompagne sa femme dans toutes ses démarches pré- et postnatales. En fait, pour la petite anecdote, s’il arrive que son épouse soit empêchée, il s’occupe à seul de ramener ses enfants pour leurs vaccinations respectives.

Mon ami Souleymane et quelques collègues étions étonnés de son engagement aux côtés de sa conjointe. Il nous a raconté qu’il connaissait le calendrier vaccinal par cœur et que ses enfants avaient tous reçu leurs vaccins respectifs de 0 à 23 mois. Il a même ajouté qu’aujourd’hui, avec son épouse, ils avaient emmené leur nouveau-né pour sa vaccination. Ses paroles valaient vraiment la peine d’être entendues, que nous n’avons même pas vu le temps passer.

À ce moment précis, la sage-femme sort de la salle d’accouchement et nous informe que Safia a accouché d’un garçon en bonne santé. Souleymane saute de joie et dit qu’il surnommera son nouveau-né Abdelkarim. Ensuite il affirme qu’à partir de maintenant, il s’occupera de tout, jusqu’au moindre détail. Il commencera par accompagner le nouveau-né à ses rendez-vous pour les vaccinations, que ce soit en compagnie de son épouse ou non, et ce, jusqu’à ses 23 mois.

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Auteur·e

mahmoudsabir

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